Vers quel nouveau droit de la publicité foncière malgré la caducité de l’ordonnance n°2024-652 du 19 juin 2024 ? 

La réforme du droit de la publicité foncière ne devait plus être un serpent de mer : l’ordonnance n°2024-652 du 19 juin 2024 actait sa refonte et sa codification dans notre Code civil actuel.

Pour autant et même si la date butoir d’entrée en vigueur était fixée au 31 décembre 2028, aucun projet de loi de ratification n’a vu le jour dans le délai de trois mois de la publication de l’ordonnance et cette ordonnance est donc devenue caduque par le jeu de l’article 38 de la constitution.

Mais nul doute que cette réforme telle qu’elle a été envisagée verra le jour dans sa forme actuelle, plus ou moins remaniée, car la réflexion est aboutie et les consultations ont été nombreuses.

Ce n’est qu’une question de temps, et il demeure opportun de faire un point sur la modernisation de ce droit.

Ainsi, le Code civil verrait son titre V du Livre II, « De la publicité foncière » fortement étoffé et composé dorénavant de cinq chapitres et non d’un seul article 710-1 du Code civil posant le principe fondamental de l’authenticité des actes publiables.  

L’idée de la réforme était de redonner à la publicité foncière sa mission initiale : celle d’assurer l’opposabilité des droits réels et ainsi, de rendre plus lisibles les principes existants.

D’ailleurs, poursuivant un principe de simplification, les nouveaux textes abrogeront probablement les régimes dérogatoires afférents à la publicité des donations immobilières telles qu’elle existait aux articles 939, 940 et 941 du Code civil.

De fait, à l’avenir, la publicité des donations immobilières serait soumise au droit commun posé par la réforme.

La liste des actes publiables serait, en toute logique, simplifiée : les actes donnant lieu à une publication obligatoire (articles 710-22 à 710-24 du Code civil dans l’ordonnance du 19 juin 2024 aujourd’hui caduque) seraient :

  • les actes et décisions affectant l’existence, l’usage ou la disposition d’un droit réel immobilier,
  • et les actes constatant une prescription acquisitive ou une autre transmission ou constitution résultant de la loi.

Cette liste correspond à la quasi‑totalité des actes inscrits dans le décret du 4 janvier 1955.

D’ailleurs, le nouvel article 710‑28 du Code civil, maintiendrait probablement la possibilité de publier, à titre facultatif, les promesses unilatérales de vente aux fins d’opposabilité aux tiers.

Pour le cas où la réforme aboutirait finalement, les différents décrets d’application de ces textes devraient fixer non seulement une liste des actes soumis à publicité obligatoire, mais aussi leur tarif.

Certaines règles qui avaient été posées par l’ordonnance se révèlent néanmoins nouvelles.

L’accès au fichier immobilier serait ainsi élargi aux commissaires de justice et aux avocats (article 710-18 du Code civil dans l’ordonnance) et le traitement automatisé des renseignements ne serait plus ouvert uniquement aux notaires.

En réalité, tous les professionnels du droit, usagers de la publicité foncière, auraient donc accès au fichier.

Par ailleurs, la règle de l’article 1198 du Code civil suivant laquelle « lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droit d’une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d’acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi » serait  abrogée (nouvel article 710-37 du Code civil).

La règle de priorité à celui qui a publié en premier serait alors  totalement objective et  indifférente à la bonne ou mauvaise  foi de celui‑ci.

Ceci constituerait un retour en force au droit positif antérieur (Cass. civ. 3, 10 février 2010, n° 08‑21.656- Cass. civ. 3, 12 janvier 2011, n° 10‑10.667). L’opposabilité des droits réels immobiliers serait à nouveau renforcée et les mentions du fichier immobilier revêtiraient alors toute la sécurité juridique nécessaire.

Pour respecter la finalité première de la publicité foncière qui est l’opposabilité des droits réels, certaines publications seraient à l’avenir supprimées. Il en irait ainsi des baux de plus de douze ans et des contrats de promotion immobilière.

D’autres seraient en revanche conservées alors même qu’elles ne sont pas requises à titre d’opposabilité. Ce serait le cas des actes de notoriété pour les transmissions par décès, dont la mention au fichier est malgré tout nécessaire afin d’assurer la continuité de la chaîne des transmissions (futur article 710‑24 du Code civil).

D’autres enfin verraient leurs sanctions modifiées. Ainsi le défaut de publication des décisions de justice, dont la sanction actuelle est l’irrecevabilité de la demande. Si la réforme de la publicité foncière faisait d’objet d’un nouveau projet de loir, la sanction ne serait plus l’irrecevabilité de la demande mais la caducité de l’assignation.

Et, l’un des points forts de la réforme,  le respect de l’opposabilité en matière de sûretés immobilières devrait être clairement inscrit à l’article 2428 du Code civil.

Même si le droit de préférence et le droit de suite s’exercent à compter de l’inscription, il était précisé, dans l’ordonnance, que « le droit de suite ne peut être exercé lorsqu’une inscription d’hypothèque a été omise sur les extraits et état délivrés au nouveau titulaire de droit réel grevé au plus tôt le jour du dépôt de son titre aux fins de publication » ( article 2428 al. 3 du Code civil dans l’ordonnance du 19 juin 2024).

Ce serait une bonne nouvelle pour la sécurité des transactions immobilières : le tiers acquéreur pourrait échapper au droit de suite des créanciers inscrits lorsqu’il n’a pas pu acheter en connaissance du passif, en raison de l’omission d’une ou plusieurs inscriptions dans l’état hypothécaire délivré.

Espérons que cette réforme, nonobstant la caducité fortuite et subite de l’ordonnance, verra le jour, apportant enfin une codification et une confortation du rôle central de la publication dans l’opposabilité des droits réels immobiliers. L’efficacité de l’opposabilité de l’acte authentique ou des inscriptions en dépend !

De l’usage d’un local issu de la réunion de deux lots dont un seul est à usage d’habitation

Propos autour de la décision de la Cour de cassation du 13 juin 2024 n°23-11.053

Par un arrêt du 13 juin dernier, publié au Bulletin, la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce pour la première fois qu’un local affecté à usage d’habitation, à la date du 1er janvier 1970, ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier.

Le changement d’usage des immeubles d’habitation est réglementé.

Ce régime est issu du Code de la construction et de l’habitation (CCH) tel qu’indiqué aux articles L. 631-7  et suivants. Il concerne les villes de plus de 200 000 habitants, les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, mais aussi celles qui s’y soumettent volontairement.

Dans ces différentes communes, le changement d’usage d’un local d’habitation vers un autre usage est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1 du CCH, soumis à autorisation préalable, avec ou sans compensation (la compensation désignant la transformation, en contrepartie, de locaux autres qu’habitation vers un usage d’habitation).

Il est à noter que seuls les locaux à usage d’habitation sont concernés par le dispositif d’autorisation préalable à leur modification.

Or l’établissement de l’usage antérieur du local est parfois compliqué . Afin de simplifier l’administration de la preuve, l’article L. 631-7, alinéa 3, du CCH, fixe la date de référence pour la détermination de l’usage du local au 1er janvier 1970, date d’un recensement des locaux et de leurs usages pour la mise à jour de l’assiette des impôts locaux, en application d’une réforme fiscale du 2 février 1968.

En effet, durant cette année 1970, chaque propriétaire avait dû souscrire une déclaration en vue de l’établissement du fichier : les déclarations « modèle H1 » (maison individuelle) ou « modèle H2 « (appartement) pour les locaux d’habitation ou à usage professionnel (en réalité à usage libéral) ; d’autres déclarations (C, ME ou U) existent pour d’autres usages. Le formulaire H2 est le plus courant, et c’est logiquement ce type de formulaire qui est souvent utilisé afin d’établir l’usage du local, lorsqu’il s’agit de démontrer à l’administration qu’il y a lieu (ou non) de solliciter une autorisation de changement d’usage.

La Cour de cassation a d’ailleurs récemment précisé – Cass. 3e civ.11 janv. 2024, n° 22-21.126 – que les mentions apposées sur un formulaire H2 souscrit après le 1er janvier 1970 sont inopérantes pour en établir l’usage d’habitation à cette date.

Cependant, un local issu de la réunion de deux lots, l’un affecté à usage d’habitation et l’autre non est-il toujours de l’habitation ?

Dans le cas d’espèce, la Ville de Paris avait assigné le propriétaire d’un appartement issu de la réunion de deux lots sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du CCH, afin de le voir condamner au paiement d’une amende civile pour en avoir changé l’usage en louant le local de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile. Par un arrêt du 10 novembre 2022 – CA Paris, 1-2, 10 novembre 2022, n° 22/02221- la Cour d’Appel de Paris a rejeté ses demandes.

Pour les juges du fond un local issu de la réunion de deux lots ne peut être considéré comme étant affecté dans son entier à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970. Il peut donc être loué pour un autre usage sans autorisation.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

La location d’un tel local pour de courtes durées constitue un changement d’usage et était soumise à autorisation.

Un principe est alors posé :

Un local affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier.

Le changement d’usage du lot réuni est donc soumis à autorisation préalable.

La décision juge ainsi qu’un local constitué de deux lots, dont l’un à un usage d’habitation au 1er janvier 1970, reste d’habitation nonobstant sa réunion avec un autre local qui, lui, n’était pas affecté à un tel usage.

Le local le plus petit (autre que d’habitation)  n’a donc pas été absorbé dans son usage par le local le plus grand (habitation).

En cette matière, l’usage accessoire ne suit donc pas l’usage principal.

La Cour de cassation ne se fonde pas sur l’accessoire. Par conséquent et à l’inverse, si le local d’habitation avait été le plus petit, il  aurait donc conservé son usage.

La réunion des deux lots n’a donc aucun effet sur leurs usages respectifs.

Cette solution a le mérite d’éviter une fraude en permettant au propriétaire d’échapper à l’autorisation préalable en réunissant, le cas échéant, un local d’habitation et un local d’un autre usage.

Démolition et violation des règles d’urbanisme : où en est-on ? L’exemple récent des parcs éoliens

Propos autour de la décision du 25 avril 2024, n° 24-10.256.

La procédure d’action en démolition de l’article L. 480-13 du Code de l’Urbanisme est souvent redoutée par les constructeurs.

La règle d’urbanisme peut être envisagée comme une contrainte par le constructeur, car elle pose des limites au droit de construire attaché au droit de propriété.

Dans le même temps, elle créé un véritable droit pour ceux qui contestent l’autorisation délivrée.

Ainsi, l’article L. 480-13 du Code de l’Urbanisme précise que lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire peut être condamné à la démolition, par un tribunal de l’ordre judiciaire, du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique, à condition d’une part que préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou que son illégalité ait été constatée par le juge administratif, et d’autre part, que la construction se situe dans certaines zones listées par l’article L.480-13.

Toutefois, le texte précise que même pour les constructions qui ne seraient pas situées dans ces zones, le représentant de l’Etat dans le Département a toujours la faculté d’engager l’action en démolition.

Le Conseil Constitutionnel a jugé que ces restrictions zonées à l’action en démolition respectent les articles 1er, 2 et 4 de la Charte de l’environnement (Décision n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017).

Mais la décision de la Cour de Cassation du 25 avril 2024 illustre parfaitement la difficulté d’application de la règle de l’article L.480-13 du Code de l’Urbanisme qui n’a que l’apparence de la simplicité.

Dans cette affaire, un préfet délivre un permis de construire pour édifier sept aérogénérateurs et un poste de distribution. Une déclaration d’ouverture de chantier et une attestation d’achèvement et de conformité sont régulièrement déposées.

Par la suite, le permis est annulé en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact.

En dehors de la question prioritaire de constitutionnalité posée, qui n’a pas donné lieu à un examen par le Conseil Constitutionnel, les juges de droit en profitent pour affiner les conditions préalables au prononcé d’une démolition.

Certes, toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une démolition.

Celle-ci peut être imposée par le biais du juge répressif, par application de l’article L.480-5 du Code de l’Urbanisme : le juge pénal a la faculté d’ordonner la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, la démolition des ouvrages ou encore la réaffectation du sol.

Également, une action civile propre aux communes et aux EPCI compétents est instituée par l’article L.480-14 du Code de l’urbanisme, et ouvre à ces derniers une action en démolition prescrite par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.

Quant aux tiers intéressés, c’est à eux que s’adresse l’article L.480-13 du Code de l’Urbanisme.

Cependant, la condamnation à démolir susceptible d’être prononcée par le juge judiciaire sur le fondement de l’article L. 480-13, n’est pas subordonnée à la seule condition que le permis de construire délivré ait été annulé.

L’article L.480-13 du Code de l’Urbanisme  suppose du demandeur à l’action qu’il démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec la violation de la règle d’urbanisme méconnue.

Cette affirmation de la Cour dans l’arrêt du 25 avril 2024 vient conforter une décision rendue en 2023 (Cassation civile 11 janvier 2023, n°21-19.778).

La Haute juridiction avait en effet apporté en 2023 une série de précisions d’importance sur les modalités de mise en œuvre de l’action en démolition des tiers :

Le demandeur à l’action doit démontrer qu’il subit un préjudice personnel directement causé par la méconnaissance des règles d’urbanismes ou des servitudes d’utilité publique.

Par ailleurs, elle avait estimé que les juges du fond doivent ordonner la démolition dès lors que les deux critères suivants sont établis : le permis a été annulé sur le fondement de la méconnaissance des règles d’urbanismes ou des servitudes d’utilité publique applicables à la zone dans laquelle se trouvent les constructions ; et les constructions sont bien situées dans l’une des zones listées par le texte. En d’autres termes, il n’y a pas lieu d’établir une seconde fois la violation d’un régime particulier de protection propre à cette zone.

Dans l’arrêt du 25 avril 2024, les juges de droit font un pas vers une appréciation plus factuelle des normes applicables.

Ils estiment ainsi qu’il relève de l’office du juge judiciaire de vérifier si, à la date à laquelle il statue, la règle d’urbanisme dont la méconnaissance a justifié l’annulation du permis de construire est toujours opposable au pétitionnaire.

Si le pétitionnaire a régularisé la situation au regard des règles désormais applicables, le juge judiciaire doit statuer au regard de ces nouvelles règles d’urbanisme.

L’élaboration de différents régimes de régularisation des constructions se poursuit. Il peut en effet paraître excessif de solliciter la démolition d’une construction régularisée à l’heure où le juge statue.

Cette décision se fait ici l’écho de la règle posée à l’article L.600-5-1 du Code de l’Urbanisme selon laquelle le juge doit sursoir à statuer sur une demande en annulation d’une autorisation d’urbanisme, si la situation est régularisable.

La codification du trouble anormal de voisinage par la loi n°2024-346 : vers une limitation des contentieux dans le domaine de la construction.

La loi n° 2024-346, du 15 avril 2024, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, vient de codifier la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Le nouvel article 1253 du code civil, en vigueur depuis le 17 avril 2024,  est ainsi rédigé : « le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ».

Cette responsabilité ne peut être engagée lorsque le trouble anormal existait avant l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien, ou lorsque le trouble provient d’une activité agricole.

Longtemps fondée sur les dispositions des articles 544 et 1240 du Code civil, la formule selon laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit autonome, depuis une décision de la Cour de Cassation du 19 novembre 1986 – n° 84-16.379.

En pratique et avant le 17 avril 2024, les juges exigeaient simplement que la victime agisse contre l’auteur du trouble (Cass. 3ème civ, 21 mai 2008, n° 07-13769)  en imposant un lien de causalité entre le trouble et la mission de l’auteur (Cass. 3ème civ. 9 février 2011, n° 09-71570). 

Le droit positif a donc permis d’intégrer en qualité d’auteurs responsables du trouble, les architectes, techniciens et même bureaux d’études jusqu’alors épargnés (Cass, 3ème civ,, 28 avril 2011, n°10-14516).  C’est ainsi que la jurisprudence a pu admettre l’action du voisin contre les constructeurs d’un chantier situé sur le fonds contigu au sien (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-16.248).

Les victimes du trouble avaient alors plusieurs responsables potentiels

Cette action est en effet redoutable pour plusieurs raisons.

Il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente. Quant à la notion de trouble, elle est subjective, et protéiforme –  bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie….- et seule l’anormalité du trouble importe et ce, même si il n’existe qu’un risque de dommage (Cass, 3ème civ. 1er mars 2023, n°21-19716).

Or la qualification de ce qui est normal ou non est susceptible d’interprétations divergentes, et la normalité est une notion évolutive.  

Enfin, cette action à l’encontre des constructeurs était une véritable aubaine pour les voisins et autres tiers ayant subis un dommage du fait de l’immeuble en construction (Cass, 3ème civil, 16 janvier 2020, n° 16-24352).  N’étant pas lié avec le constructeur  par un contrat de louage d’ouvrage, le voisin ne peut se prévaloir de la qualité de maître d’ouvrage et agir sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs (article 1792 et suivants du Code civil)  dont le délai de forclusion est de 10 ans à compter de la réception des travaux.

Il ne restait donc plus que l’action sur le fondement du trouble anormal de voisinage, car  tout chantier de construction peut occasionner des dommages.

Il est très rare, en effet, que les travaux occasionnés en vue de l’édification, de la transformation, de la rénovation ou de la réhabilitation d’un ouvrage immobilier puissent être organisés sans avoir une incidence, d’une manière ou d’une autre, sur le fonds voisin.

Les troubles engendrés à cette occasion peuvent être de différentes natures : ceux causés par l’activité du chantier qui peuvent affecter l’usage du bien (perturbation dans le fonctionnement des cheminées, des antennes de télévision…) ou les conditions de son existence (bruits, odeurs, poussières provoquées par les démolitions, fumées, difficultés d’accès…). Ceux qui provoquent des troubles aux immeubles contigus comme  la déstabilisation du sol ou des fissures dans les murs… Enfin, ce trouble peut encore résulter de la présence même de l’ouvrage qui, par exemple, vient obstruer la vue du fonds voisin.

Pour se protéger contre cette action éventuelle et l’extension à leur encontre du droit positif, les constructeurs avaient pris l’habitude d’insérer dans leur contrat une clause mettant la responsabilité pour trouble anormal de voisinage à la charge de l’entrepreneur ou du maitre de l’ouvrage.

Mais le nouvel article 1253 du code civil adopté,  c’est la voie de la sagesse qui l’emporte pour protéger les constructeurs d’une telle action.

Cette nouvelle disposition légale dresse une liste des auteurs « potentiels » de troubles de voisinage.

On ne sait pas encore si elle est exhaustive… Il appartiendra donc désormais au juge de trancher la question.

Mais il semble que les constructeurs en soient exclus puisque l’article fait expressément référence au maître d’ouvrage. Toutefois, l’article 1253 du Code civil n’empêchera pas l’action récursoire du maître d’ouvrage contre le constructeur.

Cette importante réforme entrainera de facto une modification des polices d’assurances.